Avis d’expert
Par Mohamed Lamine Sidibé
Spécialiste des questions stratégiques et géopolitiques des matériaux critiques de la transition énergétique/Gouvernance minière
En avril 2016, la République de Guinée a ratifié l’accord de Paris sur le climat sous les auspices de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC). A cet effet, le gouvernement guinéen s’est engagé à aligner sa politique de développement économique sur la trajectoire définie par l’accord de Paris sur le climat, en ayant pour boussole la contribution déterminée au niveau national (CDN) afin de réduire de 1,5°C les émissions mondiales de carbone. Ainsi, les inventaires de gaz à effet de serre (IGES) réalisés en 2021 en vue de la première publication de la troisième communication nationale ont démontré une augmentation exponentielle du niveau de pollution dans trois principaux secteurs. Ces secteurs sont notamment l’énergie, l’industrie et les mines, ainsi que le domaine du transport.
Les chiffres comptabilisés au compte du secteur de l’électricité s’élèvent à 357 ktCO2 eq pour l’année 2020 contre 295 ktCO2 eq pour l’année 2018[1]. Quant au secteur de l’industrie et des mines, les émissions de carbone étaient estimées à 1 441 ktCO2 eq en 2020 contre 1 192 ktCO2 eq en 2018[2]. Alors que celui du transport a comptabilisé 2 215 ktCO2 eq en 2018 pour atteindre deux plus tard 2421 ktCO2 eq.
Cette multiplication du niveau d’émission de gaz à effet de serre (GES) de la guinée s’explique par deux facteurs. Premièrement la place importante des énergies fossiles dans le mixte énergétique de la Guinée, en particulier la biomasse qui est la source d’énergie la plus utilisée du pays (80% en 2013[3] pour la cuisson), y compris l’utilisation du mazout par les sociétés minières pour la calcination et le transport des produits miniers.
Quant au deuxième facteur, il est tributaire de l’accroissement du niveau de production de la bauxite à l’échelle nationale. En trois ans, la production guinéenne de bauxite est passée de 20,2 millions de tonnes en 2014 pour atteindre 87,7 millions de tonnes en 2020 soit une augmentation de 334% sur la même période. Le nombre de sociétés minières, a pour sa part atteint les deux chiffres, en passant de 6 à 17 selon le ministère des mines et de la géologie (MMG).
Ces phénomènes constituent un risque majeur à la fois pour les populations vulnérables, confrontées à la dégradation des moyens de subsistances et les risques liés à la disparation de certaines espèces halieutiques indispensables pour les pêcheurs locaux.
Paradoxalement, la volonté des pouvoirs publics de rendre obligatoire la transformation domestique de la bauxite en alumine afin de pallier aux problèmes structurels de l’économie guinéenne, exige une utilisation excessive d’énergie fossile. Ces énergies fossiles sont principalement le pétrole et le gaz qui pourront porter les capacités énergétiques de la Guinée à 2 000 MW, et permettre ainsi une transformation de plus 1 millions de tonnes de bauxite annuellement, reste incompatible aux principes de la COP27.
Même si cette stratégie de recourir massivement aux énergies fossiles fait défaut à la ligne de conduite de l’accord de Paris pour la réduction des émissions du Gaz à effet de serre (GES), elle reste pour autant indispensable pour le renforcement de la résilience économique de la Guinée, dont les revenus subissent de pleins fouets la fluctuation des cours des minerais sur les marchés mondiaux.