Le scepticisme à l’égard d’une transition énergétique juste et équitable est démontré par plusieurs indicateurs, notamment la fracture dans l’accès aux fonds climatiques. Selon les estimations de L’African Climate Foundation, seuls 3 % (19 milliards de dollars) des fonds climatiques ont été dirigés vers le continent sur un total de 632 milliards de dollars en 2020. De plus 75 % des investissements dans les énergies renouvelables sont allés à seulement quatre pays du continent : Afrique du Sud, Maroc, Kenya et Égypte (BloombergNEF). Ces disparités dans l’accès aux fonds climatiques démontrent clairement le caractère inéquitable de la transition, tant entre les pays de la région qu’entre les populations africaines.
Par Mohamed Lamine SIDIBE
Avec l’émergence de nouveaux modèles de financement de la lutte contre le changement climatique, notamment le Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP), certains pays sont favorisés par rapport à d’autres dans l’écosystème financier. Pour exemple, le JETP devrait fournir 8,5 milliards d’USD à l’Afrique du Sud et 2,7 milliards d’USD au Sénégal au cours des cinq prochaines années. Ces subventions permettront à ces pays d’accroître leur capacité en matière d’énergie propre d’ici 2030. Toutefois, de nombreux pays de la région n’auront pas cette possibilité.
Plus important encore, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que les besoins énergétiques du continent augmenteront de 40 % d’ici 2030. En outre, les découvertes de gaz naturel sur le continent s’avèrent fructueuses, dépassant les 5 000 milliards de mètres cubes selon l’AIE, de quoi combler le déficit énergétique des États de la région. Cependant, l’accord des organisations internationales telles que HSBC et la Banque mondiale de ne pas financer les projets pétroliers et gaziers impacte sur la politique industrielle du continent, dont la part de l’industrie manufacturière est la plus faible au monde (11 % selon Okan Partners).
Il y a aussi la question de l’accessibilité au Fonds d’adaptation, qui est 10 fois plus petit que le Fonds d’atténuation. Or, la Banque africaine de développement estime que les effets de l’adaptation au changement climatique en Afrique ont entraîné des pertes annuelles moyennes de croissance du PIB par habitant comprises entre 5 % et 15 % entre 1986 et 2015. Ces pertes sont dues à l’insuffisance des mesures d’adaptation. Par ailleurs, les analyses du Center for Global Development montrent que 54 % des fonds climatiques mondiaux sont consacrés à des projets d’atténuation contre 42 % à des projets d’adaptation.
Enfin, la faible représentation des chercheurs africains parmi les principaux scientifiques travaillant sur les questions climatiques constitue un handicap majeur. Au sein du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la représentation des scientifiques africains est très faible par rapport à sa population. Selon le Carnegie Endownment for Peace and International, les chercheurs du continent ne représentent que 9 %, contre 19 % pour l’Amérique du Nord et les Caraïbes, et 42 % pour l’Europe. Cette sous-représentation des chercheurs au plus haut niveau du débat sur le climat, se reflète souvent dans la hiérarchisation des fonds en particulier pour l’adaptation et l’atténuation.
En bref, la transition énergétique suit la même trajectoire que les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Par contre, le changement climatique ne connaît pas de frontières contrairement aux OMD. Nous avons donc tous une responsabilité partagée, et l’équité dans la distribution des ressources est une voie de recours importante.