Sous la tutelle du ministère du Budget, la 1re édition des Journées du civisme fiscal en Guinée, s’est tenue du 11 au 12 mai 2022, à l’hôtel Kaloum sur le thème ‘’La fiscalité au service du développement’’.
Par Ibrahima Traoré
En présence de plusieurs personnalités du gouvernement, de l’ambassadeur de l’Union européenne, des représentants respectifs de la Banque mondiale et du FMI en Guinée…, cet évènement a permis d’instaurer d’une part, un climat de confiance entre l’administration fiscale et les citoyens et d’autre part, aux contribuables de mieux comprendre la culture de l’impôt, sa valeur sociale, ainsi que son lien avec les dépenses publiques.
Administration fiscale et réformes engagées
Les ressources fiscales inscrites dans la Loi des finances sont formées par les recettes douanières, et celles recouvrées en régime intérieur. Les régies des recettes, dans leur mission d’élaboration de la politique gouvernementale entendent apporter des recommandations afin de promouvoir une refondation fiscale pour un développement inclusif. Ainsi, l’administration fiscale guinéenne s’engage à offrir aux contribuables des services de qualité. A cet effet, plusieurs réformes sont engagées pour faciliter et sécuriser les procédures de paiement des impôts. Du côté de la Direction générale des Impôts (DGI), la mise en place d’un système de paiement des impôts digitalisé (E-tax) s’inscrit dans cette logique. Aussi, plusieurs exonérations sont accordées aux entreprises qui adopteront un bon comportement en matières fiscales. D’où la création des Centres de Gestion Agrée (CGA). Du côté de la douane, ces exonérations s’expliquent par la création d’un système de fiabilité des activités économiques (Opérateur Economique Agréé-OEA).
Recettes fiscales et financement de la dépense publique : enjeu de développement
L’incivisme fiscal est une réalité en Guinée. Il se traduit par divers comportements. De la négligence à la fraude, une étude réalisée par les agents de la DGI montre que sur 126 285 contribuables potentiels, 57 135 sont immatriculés dans le registre fiscal dont 5 367 contribuables fiscalisés. Tous ces paiements manquants constituent des pertes de recettes. En Guinée, les besoins en dépenses sont énormes. La production minière constitue un essor pour le développement économique. Avec la guerre en Ukraine, l’exportation de la bauxite en Russie et en Ukraine ont impacté les recettes fiscales. Selon Salifou Issoufou, le représentant du FMI en Guinée, les recettes minières ont fortement baissé au cours de ces trente dernières années. De 70% en 1990 à 10% en 2020, cette baisse des recettes est due aux privilèges fiscaux accordés aux entreprises minières. Pour mobiliser davantage de recettes, il faut exhorter les investisseurs à respecter les conventions et maîtriser le prix de vente de la bauxite sur le marché international. Cependant, le taux de pression fiscal reste très faible en Guinée : 13% contre 18% par rapport aux autres pays de la sous-région. Un taux qui s’avère faible mais pourrait être attrayant pour les investisseurs. Cette année, les projections des recettes fiscales s’accentuent autours de 26 064 milliards GNF. Ainsi, le gouvernement compte accroître ses investissements pour améliorer les conditions de vie de la population.
Payer ses impôts : un acte de citoyenneté
En Guinée, les recettes fiscales constituent environ 88% des recettes totales. Cependant, les difficultés liées à la mobilisation de ces ressources sont énormes. L’éducation des contribuables sur le civisme fiscal reste une nécessité. Au cours de ces deux journées d’échanges, les différents intervenants ont accentué leur communication sur la sensibilisation des agents économiques. Selon le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, cette initiative gouvernementale est destinée à mettre en œuvre les vertus du citoyen modèle et les acteurs du secteur privé qui s’acquittent de l’impôt. Pour le chef du Gouvernement, les recettes fiscales mobilisées doivent permettre à l’Etat d’améliorer les conditions de vie de la population. Pour cela, il faut inviter les contribuables à prendre conscience que le civisme fiscal est un acte de citoyenneté. Chaque usager doit contribuer au développement économique du pays.
Au-delà des conférences organisées à l’hôtel Kaloum, des activités de sensibilisation ont été faites sur le terrain. A l’Université Générale Lansana Conté de Sonfonia (UGLCS) par exemple, une équipe du ministère du Budget composé du secrétaire général, du Conseiller Fiscal, du Conseiller CGA, du Directeur général des Impôts,… s’est rendue sur les lieux pour échanger et sensibiliser les étudiants qui sont les futurs contribuables du pays. Aussi, au marché niger et à la Mairie de matoto, les mêmes activités se sont tenues.
Incivisme fiscal et conséquences
Dans la logique, chaque citoyen devrait faire sa déclaration et le paiement de l’impôt à temps de façon spontanée. En Guinée, le nombre d’entreprises fiscalisées est très faible. Les prévisions de recettes des quatre dernières années (2017 – 2021) n’ont pas été réalisées. En 2021 par exemple, l’écart entre les prévisions et celles réalisées, avoisinait les 2 000 milliards GNF (ministère du Budget). Néanmoins, beaucoup de difficultés peuvent être la base réelle des manques constatés. La Guinée a connu au cours de ces dernières années, une grande instabilité politique due à la non-satisfaction des besoins sociaux de base. Ce qui a conduit à des manifestations. Alors que les investisseurs sont hostiles à cela. Dans le cadre juridique, la législation fiscale présente une certaine complexité des techniques d’évaluation des bases d’imposition. La situation économique personnelle des contribuables peut aussi conduire à l’incivisme fiscal. A cela s’ajoute le poids élevé de l’impôt. Mais en Guinée, ce dernier est peu illustratif en ce sens que le taux fiscal est faible.
Tous ces problèmes concourent à la déstabilisation des recettes publiques. Et cela pourrait toutefois entraîner des graves distorsions économiques comme la baisse des recettes fiscales, les difficultés pour l’Etat de mettre en œuvre sa politique publique de développement et le recours excessif à l’endettement.
En définitive, il faut retenir que pour faire face à ses dépenses l’Etat fait recours aux recettes fiscales. A travers ces deux journées d’échanges, le gouvernement pourrait créer un climat de confiance entre les citoyens et l’administration fiscale.