Boubacar Dansoko est cogérant statutaire de plusieurs structures dans l’aviculture et l’agrobusiness. Avec lui, nous allons tenter de comprendre un peu plus ce secteur.
Par Saïkou Camara
Décrivez-nous votre activité ?
Notre entreprise Entrael SARL est une société spécialisée dans la production d’aliments. C’est une ferme avicole avec une production d’aliments pour animaux d’élevage et de poulets de chair. Nous faisons aussi de la culture de pommes de terre. Dans la même ferme, nous avons Leila qui est une structure spécialisée dans l’abattage de poulets de chair, Savi Guinée, une unité de production de poussins et Avicom business consulting qui fait de l’accompagnement, du conseil, de la formation des personnes qui désirent investir dans le domaine de l’élevage.
Peut-on connaître vos quantités de production ?
Nous produisons de 400 à 800 tonnes de pommes de terre par an, 200 000 pondeuses réparties un peu partout dans le pays et 20 000 tonnes d’aliments pour volaille, bovins et ovins chaque année.
Pourriez-vous nous décrire le marché guinéen ?
Pour ce qui est de l’importation, nous étions autour de 35 000 tonnes de poulets congelés d’après les institutions en 2017. Si on extrapole, nous nous retrouvons à 50 000 tonnes aujourd’hui. En termes de consommation d’œufs, nous sommes dans une moyenne de 25 à 30 œufs par habitant par an. Au niveau mondial, la consommation est de 145 œufs par habitant par an. Ce qui signifie que la Guinée est en deçà de la consommation mondiale. Pour nourrir nos volailles, nous avons un besoin en maïs de plus de 50 000 tonnes par an. La production locale étant insuffisante, nous sommes donc obligés d’importer du maïs de la sous-région dont le coût a tendance à s’envoler. Cette envolée impacte le coût de production des œufs. Nous avons un prix local des poussins à 14 500 GNF pendant que les poussins importés sont autour de 20 000 GNF. La plaquette d’œufs est autour de 30 à 32 000 GNF pour 30 œufs. A l’importation, elle est de 33 à 35 000 GNF.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre secteur ?
Les problèmes récurrents sont en termes de ressources humaines. Cela peut être amélioré grâce à notre structure Avicom qui forme nos agents en renforçant leurs capacités techniques, et faire profiter d’autres éleveurs, et d’autres acteurs du secteur. Un autre problème récurrent est au niveau des matières premières. Aujourd’hui pour produire de l’aliment, Il faut 60% de ratio constitué de maïs. Malheureusement, la Guinée n’est pas autosuffisante en termes de production de Maïs. Pour produire nos aliments, nous avons besoin de 11 matières premières ; nous en importons 7. Il faut qu’on arrive à produire localement ces 7 pour devenir indépendant et compétitif. Nous avons aussi les problèmes de santé des animaux. Les matières premières que nous utilisons viennent de nos champs. Parfois, il y a de la contamination.
Comment peut-on identifier un produit local et un produit importé ?
Pour le cas des poules, il faut savoir en distinguer 4. Il y a la reproductrice pondeuse qui produit un mâle et une femelle. Le mâle est appelé le “coquelet” et la femelle c’est la poule pondeuse qui produit les œufs de consommations. De plus, nous avons la poule reproductrice de poulets de chair. La poule pondeuse produit des œufs qui ne sont pas des œufs féconds. Ces œufs sont destinés à la consommation humaine ; on peut les garder mille ans, on n’aura jamais de poussins. La plupart des œufs locaux sont frais, ce qui n’est pas le cas des œufs importés. Un œuf est dit frais quand il est dans l’intervalle de 0 à 21 jours, au-delà, il n’est plus frais. Pour ce qui est des œufs importés, la plupart sont estampillés pour connaître le jour de production et la durée de validité. Malheureusement, les commerçants demandent aux fournisseurs de ne pas les estampiller. Donc, le signe distinctif c’est que les œufs importés sont souvent pâles, petits et sont entre 58 et 60 grammes. Ces œufs importés sont frigorifiés, ce qui fait que dès qu’ils sortent de cet environnement il y a un choc thermique qui les fait pourrir.
Que conseilleriez-vous à une personne qui veut se lancer dans la production avicole ?
D’abord, beaucoup de formations. Pour faire de l’élevage, il faut un minimum de connaissances dans le domaine. C’est une activité technique où on a besoin de savoir ce qu’est une poule, considérée comme une usine. Ce que vous lui donnez à manger c’est ce qu’elle transforme pour produire des œufs. Il faut connaître les maladies des poules, le plan prophylactique (vaccination) des poules et connaître la zootechnie, qui est l’ensemble des connaissances qui visent à satisfaire le bien-être animal. Également, il faut avoir des connaissances en management car vous ferez de la gestion humaine, puis, il faut un minimum de fonds. On peut commencer avec 100 poussins et se retrouver plus tard avec 6 000 poules. Ensuite, il faut développer son réseau de distribution. Pour finir, il faut savoir que c’est surtout la passion, peu de bénéfices et beaucoup d’expériences qu’on acquiert.