L’année 2024 s’achève sur une note ambivalente pour la Guinée, où ambitions réformatrices, scandales économiques et tensions sociales se heurtent à une instabilité politique croissante. Alors que la fin de la transition politique est prévue pour le 31 décembre, le spectre d’une prolongation, voire d’une « refondation » du système, alimente une incertitude pesante.
Par Djibril Diarso, Responsable de l’information
Une transition politique sous tension
Le président Mamadi Doumbouya avait promis que ni lui, ni les membres du CNRD, ni les membres du gouvernement ne se présenteraient aux élections à venir. Mais ces derniers mois, des déclarations du secrétaire général à la présidence et du premier ministre évoquant une nécessaire « refondation de l’Etat » ont modifié la perception d’une transition temporaire. De leur côté, les partis politiques ont annoncé qu’ils ne reconnaîtront plus le CNRD après le 31 décembre, accentuant le climat d’incertitude. Dans un contexte où les forces armées encerclent Conakry, la population vit dans une atmosphère de peur et d’interrogations quant à l’avenir du pays.
Un climat économique fragilisé par des scandales et des pénuries
L’instabilité politique a des répercussions directes sur l’économie. Les scandales de corruption et de détournements, notamment à la Direction générale des impôts et à celle de la douane renforcent la perception d’une gestion opaque des ressources publiques, minant ainsi la confiance des investisseurs étrangers et des acteurs économiques locaux.
Les pénuries de carburant ont marqué 2024. A la suite de l’explosion du dépôt de carburant, un système d’approvisionnement provisoire avait été mis en place urgemment, pour contenir la crise. Cependant, il s’avère que ce processus fragile crée la difficulté dans la gestion efficace des stocks de produits pétroliers notamment des problèmes dans la distribution nationale du carburant. De plus, les coupures d’électricité récurrentes ont révélé la fragilité du secteur de l’énergie, malgré l’existence des infrastructures électriques comme les barrages hydroélectriques de Kaleta et celui de Souapiti. Dans ce contexte, les industries locales et les petits entrepreneurs ont été directement touchés, entrainant le ralentissement de l’activité économique.
Le secteur minier entre réformes et espoirs
Le programme Simandou 2040 nourrit de grands espoirs pour l’avenir économique de la Guinée, incarnant une lueur d’espoir pour de nombreux citoyens. Secteur clé et principale source de devises du pays, le secteur minier a récemment bénéficié de réformes visant à mieux encadrer l’exploitation artisanale des métaux précieux. Parmi ces avancées, on note la signature des arrêtés sur le régime de l’exploitation artisanale ; l’identification des couloirs d’exploitation ; ainsi que des dispositions pour l’autorisation et l’organisation de l’exploitation mécanisée ; la publication du bilan des exportations de l’or. De plus, la signature d’un accord entre l’Etat et la Société des projets industriels et commerciaux (SPIC) pour la construction d’une raffinerie d’alumine en Guinée, avec une capacité annuelle de 1,2 million de tonnes ; la suspension des exportations de bauxite produites par la société GAC, sanctionnée pour non-respect de son engagement de construire une raffinerie d’alumine, marquent également des étapes majeures dans le bilan de ce secteur.
Un tissu social fragmenté
Sur le plan social, malgré une baisse de l’inflation passant de 6,5 % (début janvier) à 5 % (novembre 2024), soit -1,5 % selon l’INS, cette avancée n’est pas ressentie sur le panier de la ménagère. Les disparitions inquiétantes touchant des journalistes, des opérateurs économiques, des activistes et même des anciens commis de l’Etat exacerbent la méfiance de la population envers les autorités. Ces disparitions, souvent associées à un climat de répression, reflètent une détérioration des droits humains dans le pays et alimente les frustrations populaires.
Par ailleurs, les carences dans l’accès à l’éducation et à la santé mettent en lumière les faiblesses structurelles du système social guinéen. Les écoles publiques manquent de ressources, tandis que les hôpitaux peinent à répondre aux besoins de la population, aggravés par un système de santé sous-financé comparativement à d’autres Etats de la sous-région.
2025, l’année de tous les défis
La Guinée se trouve à un moment crucial où des décisions politiques claires sont nécessaires pour stabiliser le pays, restaurer la confiance et relancer l’économie. Les décisions politiques qui seront prises dans les prochains jours détermineront non seulement l’avenir de la transition, mais aussi celui de la nation dans son ensemble. Le discours de fin d’année du président Mamadi Doumbouya sera déterminant. Il devra offrir des solutions concrètes pour sortir le pays de l’impasse et poser les bases d’une croissance durable.
L’heure est venue pour le pays de faire des choix clairs, à la hauteur des attentes et des défis auxquels il fait face.