Par Mohamed Lamine Sidibé
Le rebond de la croissance chinoise de 5,2% annoncé dans le dernier rapport du FMI sur les perspectives de l’économie mondiale, tirera la demande mondiale du minerai de fer. Déjà, la Chine est le plus gros importateur de fer à l’échelle mondiale. Entre Janvier-Décembre 2022, la Chine a compté pour 71,3% des importations mondiales de minerais de fer suivi par le Japon 6% et l’UE 5%.
Selon MySteel, l’offre intérieur de métaux ferreux de la chine sera excédentaire en 2023 de 23 millions de tonnes y compris la production locale et les importations. Un autre élément effervescent est l’appréciation du prix du minerai de fer à la bourse de Dalyan qui a atteint 131$/t au mois de janvier, soit une augmentation de 5,96%.
En termes de source d’importation, l’Australie reste le premier exportateur de minerais de fer vers la Chine. Canberra comptait pour 69% des exportations de fer à destination de la Chine en 2022, soit 739,5 millions de tonnes. Le Brésil reste la deuxième source d’importation avec une part de 21%. Puis l’Afrique du sud et le Pérou.
Simandou une perspective prometteuse pour la coopération sino-guinéenne
La Guinée et la Chine entretiennent des relations diplomatiques étroites depuis plusieurs décennies. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont considérablement augmenté pour atteindre 3,532 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation de 39,8% en glissement annuel. Ce qui fait de l’empire du milieu le plus grand partenaire économique de la Guinée.
La visite du ministre secrétaire d’état à la présidence au mois de janvier 2023 à Shanghai et l’adoption de l’accord cadre Simandou, y compris l’entrée du géant de l’aciérie mondial « Baowu » dans le projet Simandou, dénotent la volonté des deux parties à solidifier leur coopération bilatérale. Le minerais de fer de Simandou dont la teneur est estimée à 65% est une aubaine pour la sidérurgie chinoise, laquelle fait face aux mesures environnementales rigides de Pékin.
En plus, le refroidissement des relations diplomatiques entre Pékin et Canberra pousse les autorités chinoises à diversifier leurs sources d’approvisionnement en minerais de fer. Un revirement qui profite à la Guinée en ces temps de conjoncture économique.
Cependant, le projet Simandou risque d’assujettir définitivement l’économie guinéenne au caprice de la croissance chinoise en cas de stagnation de cette dernière. Déjà, d’après le ministère du plan et du développement économique de la guinée, les exportations vers la Chine ont représenté 94% des exportations totales du pays en 2019. Cette double dépendance au secteur minier et à la Chine crée une vulnérabilité extrême face au choc extérieur. Ainsi, lorsque la demande chinoise en minerai de fer se contracte, comme ce fut le cas avec la stratégie zéro Covid-19, l’économie guinéenne subira automatiquement le contrecoup de ce ralentissement.
Enjeux géopolitiques
La compétition géopolitique que se livrent les États-Unis et la Chine aura une empreinte significative sur l’évolution du projet Simandou d’une part et sur la nature des relations bilatérales entre la Guinée et la Chine d’autre part. Déjà, la chine occupe une place de choix en matière d’exportation de bauxite en guinée. D’ailleurs, l’empire du milieu était responsable de 40% du total des exportations bauxitiques du pays en 2018. Ce qui n’est pas négligeable en termes de revenu pour l’Etat guinéen. Ainsi, le passage du projet Simandou sous monopole chinois crée une interdépendance commerciale profonde entre Conakry et Pékin. Une telle dépendance au géant Asiatique pourrait être à l’origine d’un préjudice économique si les autorités guinéennes essayaient de se départir des entreprises chinoises pour non-respect des closes, ou de se rapprocher de Washington.
En outre, la Guinée pourrait souffrir si Pékin ou Washington l’obligeait à choisir son camp en matière de relations bilatérales. Même s’il s’avère que l’influence économique des États-Unis reste relativement faible par rapport à celle de la Chine, les liens en matière de coopération sécuritaire entre Conakry et Washington restent assez forts. Cela pourrait remettre en question la volonté des pouvoirs publics guinéens de demeurer neutre et non alignés dans la compétition que se livrent les deux géants mondiaux (Chine-États-Unis) sur le continent.
Conclusion
Le projet Simandou pourrait offrir une occasion unique à la guinée, d’amorcer le processus de transformation structurelle de son économie, si toutefois le gouvernement reconnaît la valeur stratégique de ce gisement, et fait en sorte que le projet puisse échapper à l’influence géopolitique exercée par les entreprises transnationales et les gouvernements impliqués dans le projet. Cela passe par l’alignement de l’intérêt des multinationales sur les objectifs nationaux, notamment en matière d’industrialisation. Ainsi, l’Etat pourrait être en mesure de développer une chaîne de valeur intégrée afin de capter une part importante de valeur ajoutée.