Un dialogue politique peut être une approche utile sur la voie de la réconciliation nationale et de la paix durable. La forme et la structure de tout dialogue national doivent être adaptées au contexte spécifique conformément aux principes fondamentaux de la consolidation de la paix. C’est dans ce cadre que notre rédaction fait une rétrospective des stratégies mises en place par le gouvernement de transition guinéen depuis son arrivée au pouvoir afin de rassembler les guinéens autour d’un même idéal.
Par Alpha Ibrahima Barry
Les journées de concertation nationale
Dès la prise du pouvoir le 5 septembre 2021, le Colonel Mamadi Doumbouya a organisé du 14 au 17 septembre au Palais du peuple, des journées de concertation qui devraient réunir toutes les composantes de la société et conduire à l’élaboration d’une Charte et la formation d’un gouvernement de transition. Il en a profité pour écouter toutes les couches socioprofessionnelles guinéennes. Ces premières rencontres lui auraient permis de faire un premier bilan et s’imprégner de toutes réalités du pays. A l’issue de ces séances de concertation, le Président de la transition a affirmé que la junte éviterait de réitérer les erreurs du passé, tout en souhaitant que les combats menés par les différents acteurs sociopolitiques soient au service de la Guinée, au-delà des luttes partisanes.
Les assises nationales
Co-présidées par les deux leaders religieux à savoir Elhadj Mamadou Saliou Camara et Mgr Vincent Koulibaly, les Assises nationales dénommées « Journées nationales de vérité et de pardon », se sont déroulées du 22 mars au 29 avril 2022 sur toute l’étendue du territoire national. Le rapport final qui a été remis à la junte le 24 août 2022 par la commission des Assises comportait 45 recommandations dont la prise en charge par l’Etat des victimes des violences lors des différentes manifestations et les apporter un soutien psychologique, l’annulation de toutes les condamnations politiques, le jugement de tous les auteurs des violences et violations des droits humains perpétrées en Guinée, la régularisation de la situation des civils et militaires retraités par erreur par la fonction publique, ainsi que la situation des salariés pénalisés par le gel des comptes de leurs institutions et les collectivités locales après le 5 septembre 2021… Après avoir pris connaissance du contenu intégral de ces recommandations, Mamady Doumbouya a affirmé, « Aux problèmes guinéens, les solutions seront aussi guinéennes ». Par ailleurs, ces assises ont été boycotté par une bonne partie de la société civile et de l’opposition qui auraient refusé de servir de caution à ce qu’ils définissent comme une ruse.
Le cadre de dialogue inter-guinéen
Présidée par le médiateur de la CEDEAO, l’ancien président béninois, Thomas Boni Yayi, le cadre de dialogue inter-guinéen s’est tenu du 24 novembre au 15 décembre 2022 à Conakry. A cet effet, le Premier ministre, Bernard Gomou a désigné le 30 septembre 2022 un groupe de facilitateurs nationaux chargé de conduire les pourparlers, rapprocher les positions des parties prenantes et œuvrer pour l’atteinte des objectifs escomptés… il s’agit des anciennes ministres Dr Makalé Traoré, Aïcha Bah et Guilao Joséphine Léno.
Conviés à ces différents échanges, certains partis et coalitions dont le RPG et ses alliés, le FNDC, l’ANAD, la CORED… ont décliné cet appel du gouvernement. Pour sa part, le FNDC a fait le constat d’une crise de confiance entre les politiques, la société civile et les autorités dirigeantes. Pour participer au dialogue, il a posé des conditions dont la publication de la liste nominative des membres du pouvoir militaire en place et la libération de tous les détenus politiques. A l’occasion de l’assemblée générale hebdomadaire de l’UFDG le samedi 3 décembre, Cellou Baldé, le Coordinateur des fédérations UFDG de l’intérieur, a insisté sur le fait que la crise ne serait pas résolue tant que les acteurs absents ne viennent pas autour de la table.
Makalé Traoré, une des trois facilitatrices désignées par la Primature afin de convaincre les partis politiques et la couche sociale à prendre part à ce cadre de dialogue a indiqué, « Nous avons rencontré au total 40 entités politiques et de la société civile. Il y a eu des réticents, mais, nous avons mené ce cadre de dialogue puis que les négociations ont continué pour qu’on ait vraiment l’ensemble de la classe politique mais en vain… », avant de conclure « ce sont 36 résolutions qui ont été discutées et aujourd’hui sous la Présidence du monsieur le Premier Ministre, nous avons signé ces résolutions. Pour nous, l’honneur revient à ceux qui ont participé en termes de débats, de contributions, de propositions pour que ces 13 thématiques puissent fournir à la fois des pistes et des propositions idoines qui peuvent permettre d’apaiser ce pays. Mais au-delà de nous aider à mieux appréhender cette tradition pour arriver à un ordre constitutionnel au bénéfice de tous… ».
Au terme de ce processus, la question que se posent plusieurs guinéens serait de savoir comment envisager un dialogue politique sans les principaux leaders politiques ? L’option semble non seulement difficile à envisager mais aussi à comprendre. En exil en Côte d’Ivoire, le président de l’Union des forces républicaines (UFR), Sydia Touré, par la voix de son responsable de la cellule de communication Fodé Baldé, estime que 13 points sont réunis pour constituer les thématiques du cadre de dialogue qu’ils ont systématiquement rejeté, en raison du format qui ne répondait pas aux attentes des Guinéens.
Par ailleurs, il est important de préciser qu’il y a un point dans le document de conclusion qui divise, à savoir celui sur le plafonnement de l’âge de 75 ans pour les candidats à la future présidentielle. A cet effet, le Directeur de communication du Bloc libéral Ibrahima Mbemba Bah estime que ce sont seulement les questions judiciaires qui pourraient déterminer qui doit se présenter ou pas.
Pour finir, la junte au pouvoir insiste sur le fait que ce cadre de dialogue reste permanent et ouvert à tous ceux qui n’ont pas pu y prendre part ou qui n’ont pas compris très vite son impact.