Diallo Amadou Tidiane Koula, président de l’Association des cambistes de Guinée (ABCAG) depuis 2006, nous explique le métier de cambiste en Guinée et comment ils participent à la stabilisation du GNF.
Par Ibrahima Traoré et Jean Paul Guilavogui
Parlez-nous de l’Association des cambistes ?
Elle a été créée en 1993. Son but est de réunir les cambistes de la Guinée pour permettre de voir les problèmes et améliorer le secteur des cambistes. Pour être membre, il faut se présenter dans notre local afin que nous évaluions la fiabilité du cambiste. Si tout est bon, il pourra adhérer à l’association. Toutefois pour être cambiste il faut avoir un agrément et payer une caution de 100 millions GNF à la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG).
Parlez-nous du métier de cambiste ? Combien y a-t-il de bureaux de change en Guinée ?
C’est un métier sensible basé sur la confiance. Cependant, nous ne nous sentons pas considérer par l’Etat alors que nous jouons aussi un rôle dans l’économie. Certains commerçants préfèrent acheter des devises chez nous plutôt que d’aller dans les banques parce qu’il y a moins de protocoles et surtout de la proximité entre les cambistes et les commerçants. Aujourd’hui, on compte environ une cinquantaine de bureaux de change (agréés ou non) en Guinée. Mais le nombre total peut être supérieur. Il y’a des bureaux qui existent mais qui n’ont pas encore d’agrément.
Pourquoi de nombreux bureaux de change n’ont pas d’enseigne ?
Nous préférons rester le plus discrets possible pour des raisons de sécurité. Avant les bureaux de changes avaient des enseignes comme les banques pour être facilement identifiés, mais suite aux cambriolages répétés que nous avons subis, nous avons préféré retirer les enseignes.
Pourquoi la plupart des cambistes sont-ils dans l’informel ?
Beaucoup sont dans l’informel parce que la caution est énorme, elle s’élève à 100 millions de GNF plus d’autres frais qui sont non remboursables, si on ajoute les frais liés au local et aux équipements on se rapproche vite de 200 millions de GNF. Nous nous battons tout de même afin que tous les cambistes soient dans des bureaux.
Comment faites-vous pour fixer vos taux de change ?
Nous travaillons en fonction du besoin de la population. Le bureau exécutif se retrouve chaque jour pour fixer le taux du jour en tenant compte bien sûr du taux indicateur de la BCRG, des banques et nous nous referons également à nos sources d’approvisionnement. Un exemple, si le dollar est à 9000 GNF à la BCRG et que j’ai acheté à 8000 GNF, pour soulager la population je peux vendre à 8200 ou 8500 GNF. Ce métier n’est pas facile, mais nous faisons de notre mieux pour gagner de l’argent et contribuer à la stabilité du GNF.
Quel rôle jouez-vous pour le maintien de la stabilité du GNF ?
Notre rôle est important dans l’économie. Nous nous efforçons à satisfaire la demande du pays. A l’arrivée du CNRD au pouvoir, 1 USD était à 9 600 GNF, pour les accompagner, on s’est mis d’accord de ne plus l’acheter à 9 000 GNF mais plutôt à 8 000 GNF ou un peu plus. On peut dire que l’on a joué un rôle pour la stabilité de la monnaie. Actuellement, le GNF varie entre 8 900 et 8 800 pour un dollar chez les cambistes.
Comment sont vos relations avec la BCRG ? Comment faites-vous pour vous approvisionner ?
Nous avons des contacts permanents avec la BCRG à travers la direction des changes avec qui nous travaillons en étroite collaboration, cette direction nous appelle régulièrement pour des réunions et des séminaires de formations, nous profitons pour les remercier de ces échanges. Cependant, on aimerait porter à leur attention que durant la crise d’Ebola, la BCRG nous vendait des devises, mais depuis cette période elle ne nous a plus vendu de devise ce qui nous oblige à nous approvisionnons auprès de nos amis, des pays voisins (Mali, Sénégal, etc.) qui font de même.
L’année dernière, vous avez fait une sortie médiatique pour dire que vous n’avez pas été encore reçus par le président de la transition. Avez-vous eu un retour ?
On n’a jusqu’à présent pas eu de retour. J’ai envoyé plusieurs lettres au président mais aucune réponse. Avec les anciens régimes, on nous recevait en audience pour discuter du métier de cambiste. Nous souhaitons encore une fois rencontrer le président de la transition ou le gouverneur de la BCRG pour leur parler de la réalité de notre métier sur le terrain dans tout le pays.
Avec les crises actuelles, comment évoluent vos activités ?
Les crises actuelles ne nous ont pas trop impacté. On a été obligé de diminuer nos intérêts pour soulager les clients afin que tout le monde puisse s’en sortir. Au début, les gens pensaient qu’on allait augmenter nos taux de change. Mais cela n’a pas été le cas. Actuellement, notre taux est moins cher que celui du Sénégal ou du Mali. Donc on s’est juste adapté au contexte pour continuer notre activité.
Pour finir, quelles sont vos perspectives pour cette année ?
Nous souhaitons rencontrer le gouverneur de la BCRG pour voir de quelle manière nous approvisionner en devises comme partout ailleurs. Nous souhaitons que la BCRG pense à nous comme elle le fait avec les banques, nous ne nous comparons pas aux banques mais nous savons que nous jouons un rôle dans l’économie.