Par Mohamed Lamine Sidibé
Au-delà des faits d’annonce du président Biden lors du sommet États-Unis-Afrique, notamment sur l’accroissement des investissements américains dans les infrastructures sur le continent, deux préoccupations demeuraient importantes pour Washington durant le sommet. La première préoccupation concernait l’accès aux minerais africains de la transition énergétique (cobalt, lithium, graphite, nickel, etc.) , et la seconde préoccupation visait les échanges commerciaux entre les deux régions pour concourir avec la Chine sur le continent.
Accès aux minerais stratégiques
La Chine contrôlant 80 % des matériaux stratégiques dans le monde, notamment les capacités d’extraction et de raffinage du cobalt, du nickel, du lithium ainsi que du graphite et des terres rares, pose une vulnérabilité et un risque énorme pour la compétitivité du secteur industriel américain, plus particulièrement le secteur de l’automobile électrique et de la défense.
En effet, dans la logique de se sevrer des importations chinoises dans ce secteur afin de renforcer la résilience économique des États-Unis, l’Afrique apparaît aux yeux des dirigeants américains comme une alternative permettant d’accéder facilement à certains minerais de la transition énergétique produite majoritairement sur le continent en particulier le cobalt, le cuivre, le graphite, etc.
Cela se justifie par l’initiative Mining Security Partnership (MSP), lancée par le secrétaire d’État américain Anthony BLINKEN en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2022. Cette initiative, à laquelle cinq pays africains riches en ressources minérales stratégiques participent, notamment le Mozambique, la République Démocratique du Congo, la Zambie, la Namibie et la Tanzanie vise à accroitre les investissements dans les matériaux stratégiques des pays concernés, tout en améliorant les normes environnementales, sociales et de gouvernance dans ce secteur.
Il faut signaler qu’à cette allure, l’Afrique apparaît comme un terrain de rivalité entre Washington et Pékin dans la lutte pour l’accès aux minerais de la transition énergétique largement contrôlé par la Chine. Également, la question des échanges commerciaux est un axe prioritaire pour Washington.
Les échanges commerciaux
Cela fait plusieurs années maintenant, que la Chine occupe la place de premier partenaire économique de l’Afrique, loin devant Washington. Les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique sont passés de 187 milliards de dollars en 2019, à 254 milliards de dollars l’année dernière, et il devrait atteindre 300 milliards de dollars cette année. Or les Américains se positionnent comme troisième partenaire économique de l’Afrique après l’Union européenne.
Conscient de cela, les agences de financement américaines ont multiplié les investissements sur le continent africain durant ces deux dernières années. En septembre 2022, le Millenium Challenge Corporation (MCC) a signé un accord de conception et de mise en œuvre du programme d’électricité avec le Sénégal dénommé Sénégal Power Compact (SPC), dont le financement sera assuré par MCC. Par ailleurs, en 2020, Development Finance Corporation a accordé 25 % de ces investissements au continent africain, soit une valeur de 8 milliards de dollars. L’année dernière, le président Biden a donné une nouvelle appellation à l’initiative Prosper Africa, pour dire l’Africa Prosper Bluid Together Campain. Tout cela démontre à suffisance, l’intérêt grandissant de l’Afrique dans la politique étrangère américaine et leur ambition de stimuler les échanges commerciaux entre les deux régions.
Bref, l’Afrique pour sa part devrait voir la Chine comme une opportunité de financement de ces projets de développement au même titre que les États-Unis et leurs alliés européens. Les dirigeants du continent doivent à tout prix éviter de tomber dans le revers de la guerre froide qui viendrait à diviser les Africains face à la défense de leurs intérêts communs.