Peu connu du grand public, l’Institut national des Statistiques (INS) fournit des données qui sont indispensables dans le suivi des politiques de développement du pays et des entreprises. Ces données macro-économiques permettent également aux investisseurs de définir leurs plans stratégiques d’investissement. Titulaire d’un Doctorat en économie de l’Université de Thiès au Sénégal et d’un diplôme d’Ingénieur Statisticien Économiste de l’École nationale supérieure de Statistique et d’Economie appliquée (ENSEA) d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, le Directeur général de l’INS est également titulaire d’un diplôme d’Ingénieur des Travaux statistiques de l’École nationale d’Économie appliquée (ENEA) de Dakar. Avant sa nomination à la Direction de l’INS en mars 2022, Makan Doumbouya était le Directeur des Études et de la Recherche à la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG). Il répond à nos questions…
Pouvez-vous nous rappeler quels sont les rôles et missions de l’INS ?
L’INS est un Établissement Public à caractère administratif ayant pour mission la conception, l’élaboration, la coordination et la mise en œuvre de l’activité statistique et l’information socio-économique sur toute l’étendue du territoire national. À ce titre, il est chargé notamment de coordonner les activités statistiques sur l’ensemble du territoire national, réaliser les opérations d’enquêtes statistiques et de recensements généraux, d’élaborer les comptes économiques de la nation et le Programme national des Travaux statistiques annuellement, calculer les indices économiques du pays et assurer le Secrétariat du Conseil National de la Statistique.
Quels sont les enjeux de l’INS sous votre direction ?
Comme vous le savez, le Gouvernement a inscrit la production des statistiques parmi les activités prioritaires de la Transition. En tant que Coordinateur du Système Statistique national (SSN), l’INS entend être une institution solide et crédible sur les plans national et international, respectant notamment les critères de transparence, d’indépendance scientifique et de qualité, et apte à produire des informations fiables et actualisées pour répondre aux besoins sans cesse croissants des utilisateurs. Dans ce contexte, les principaux enjeux de l’INS sont le renforcement du dispositif institutionnel, la mise en place d’une source durable de financement des activités statistiques, l’amélioration de l’utilisation des technologies de l’information et de communication, l’amélioration de la diffusion et de l’archivage des statistiques, la modernisation de l’infrastructure statistique ainsi que le renforcement des capacités du personnel.
Quelles sont les actions que vous avez menées depuis votre nomination ?
Depuis ma nomination, en termes de production statistique, les principales activités menées par l’INS sont entre autres les travaux préparatoires du quatrième Recensement général de la Population et de l’Habitation (RGPH-4), l’extension de l’indice harmonisé des prix à la consommation, l’accélération des travaux de migration des comptes nationaux vers le Système de Comptabilité nationale de 2008, la rénovation de l’indice harmonisé de la production industrielle, la mise en place d’un bulletin statistique du marché du travail et de l’emploi et des indices sur le commerce extérieur ainsi que de l’indice harmonisé des prix de la production industrielle, l’élaboration des prix de référence (mercuriale), la validation et la vulgarisation d’une nouvelle Stratégie nationale de Développement de la Statistique.
Sur le plan institutionnel, les activités ont porté sur l’élaboration d’un nouveau statut de l’INS, la mise en place du Conseil d’Administration et l’élaboration d’un nouvel organigramme tenant compte des mutations et des défis actuels de l’INS.
Quelles sont vos méthodes de collecte des données ? Quels sont les acteurs impliqués ?
L’INS utilise plusieurs méthodes de collecte des données. En général, les données sont collectées auprès des ménages par interview directe à l’aide des tablettes. Parfois, elles sont collectées par appels téléphoniques. Au niveau des entreprises, les questionnaires sont imprimés et déposés ou envoyés par voie électronique, avec un délai de réponse. Quant aux données administratives, elles sont collectées à l’aide des fiches de collecte transmises en versions imprimées ou électroniques. Elles sont parfois collectées sur des sites web ou à partir des bases de données. En dehors de l’INS, les principaux acteurs impliqués dans la collecte des données sont les ménages, les entreprises, l’administration publique ainsi que les institutions internationales.
Selon vous pourquoi certains rapports de l’INS sont contestés, surtout quand ils sont positifs pour le pays ?
Je ne connais pas les sources de cette affirmation. Mais pour votre information, les rapports d’études et d’enquête de l’INS sont généralement élaborés avec l’appui technique et financier des partenaires nationaux et internationaux exigeants. Toutes les étapes d’élaboration de ces rapports sont soumises à des processus rigoureux de validation. Dans la plupart des cas, des experts internationaux sont recrutés par les partenaires pour appuyer l’INS. Les méthodologies utilisées sont harmonisées avec les standards internationaux. Par exemple, l’assurance qualité du Recensement général de la Population et de l’Habitation est jouée par le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) qui mobilise des experts internationaux. L’élaboration des comptes nationaux bénéficie de l’assistance technique d’Afritac de l’Ouest et d’Afristat. La Banque mondiale recrute généralement des experts internationaux pour appuyer l’INS dans le cadre des enquêtes sur la pauvreté. L’INS bénéficie toujours de l’assistance technique des experts de Macro International.
Donc, vous nous confirmez que les méthodologies de collecte de données respectent les normes internationales ?
Les méthodologies de collecte des données statistiques produites par l’INS respectent les normes internationales recommandées en la matière. Elles sont élaborées par des ingénieurs statisticiens et des démographes professionnels. Elles sont toujours validées par les partenaires de l’INS. Je peux donc vous assurer de la fiabilité de ces données.
Votre institution est chargée du Recensement général de la Population et de l’Habitation. Pourriez-vous nous en dire en quelques mots ?
Conformément à ses attributions, le Ministère du Plan et de la Coopération internationale à travers l’INS est mandaté par le Gouvernement pour réaliser le quatrième Recensement général de la Population et de l’Habitation (RGPH-4).
Le RGPH-4 vise à mettre à la disposition des utilisateurs des informations fiables et récentes sur l’effectif de la population, sa répartition géographique, sa structure, sa dynamique, sa composition et ses caractéristiques sociodémographiques, économiques et culturelles, en vue d’une meilleure prise en compte des questions de population dans l’élaboration, le suivi, l’évaluation des politiques, plans stratégiques, programmes et projets de développement économique et social.
Les travaux préparatoires du RGPH – 4 ont débuté en février 2022 et se poursuivent, avec l’appui technique des experts internationaux du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA). Ils ont permis d’élaborer le document du projet, le document de plaidoyer, le budget, le chronogramme des activités, les documents méthodologiques et un prospectus pour la mobilisation des ressources. Ils ont également permis la signature du décret portant Institution et Organisation du RGPH — 4 ainsi que la mise en place du Conseil national du Recensement qui a tenu sa première session en octobre 2022.
Au début de l’année 2022, le taux d’inflation était à deux chiffres. En cette fin d’année, on se retrouve à un taux d’inflation d’un chiffre de 8,7 %. Quelle analyse apportez-vous à cette situation ?
Comme vous le savez certainement, les données de l’indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC) publiées jusqu’en juillet 2022 se limitaient seulement aux 5 communes de Conakry qui ne représentent qu’environ 27,2 % de la consommation totale des ménages de la Guinée. De plus, les coefficients de pondération de cet indice dataient de 2002, et ne reflétaient donc plus la structure actuelle de consommation des ménages. Dans ces conditions, l’indice harmonisé des prix à la consommation n’était plus représentatif de la réalité, de nouveaux produits étant apparus. Pour pallier cette insuffisance, l’INS s’est engagé à l’extension de la couverture géographique de l’IHPC aux sept autres régions administratives du pays, conformément aux recommandations des Nations Unies. Dans ce cadre, une année de base plus récente (2019) a été adoptée. La nomenclature des produits a été révisée. Les nombres de produits, de points de vente et de relevés ont augmenté. En réalité, l’INS a élaboré un nouvel indice national plus représentatif et différent de l’ancien qui était devenu obsolète.
Effectivement, le taux d’inflation en glissement annuel s’est établi à 8,7 % en octobre 2022 à Conakry, contre 8,6 % au mois précédent. Il est tiré à la hausse par les prix de l’enseignement, de la restauration et des hôtels, de la santé ainsi que des logements. Il est également tiré à la hausse par les prix des produits importés qui enregistrent une augmentation de 16,4 %.
Avant pour calculer l’inflation, les prix étaient uniquement relevés à Conakry. Depuis quelques mois maintenant, les prix des produits sont relevés sur les marchés des régions administratives aussi. Comment est-on arrivé à cette situation ?
Comme je l’ai déjà dit, les données sur les prix étaient exclusivement observées dans les 5 communes de Conakry. Les données de base du projet d’extension ont, tout de même, été collectées en 2019. Leur collecte dans les autres régions administratives n’a pas pu se poursuivre par manque de ressources financières. En juin 2022, elle a été relancée, grâce à l’appui financier de la BCRG et l’appui technique d’Afristat. Les données de l’enquête harmonisée des conditions de vie des ménages de 2019 ont été utilisées pour actualiser les coefficients de pondération. Il est à noter que la méthodologie utilisée est harmonisée avec celle des pays de l’Union économique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA)
Pouvez-vous commenter le dernier rapport sur l’emploi ?
Selon le premier bulletin sur les statistiques de l’emploi et du travail, le nombre d’entreprises créées s’établit à 3 820 au troisième trimestre 2022, en baisse de 1,5 % par rapport au trimestre précédent. La plupart de ces entreprises sont créées par des hommes (2 682) et évoluent dans les branches du commerce (1 889), des prestations de service (805) et des BTP — Construction (358). Le cumul du nombre de créations d’entreprises est de 12 497 durant les neuf premiers mois de 2022.
Au troisième trimestre 2022, le nombre d’embauches a atteint 2 263 emplois, contre 2 099 embauches au deuxième trimestre 2022, soit une augmentation de 7,8 %. Ces embauches sont enregistrées principalement dans le secteur privé (2 183) et dans la branche des services (2 054). Elles sont constituées essentiellement des hommes (2 183). Le nombre total d’emplois enregistrés durant les neuf premiers mois s’établit à 6 784.
Pour finir, parlez-nous de vos prochains challenges pour l’INS ?
Les principaux défis de l’INS portent, entre autres, sur l’utilisation intense de la technologie de l’information et de la communication dans le RGPH – 4, la formation de 150 Ingénieurs Statisticiens et Démographes durant les cinq prochaines années, la finalisation des travaux de migration des comptes nationaux selon le SCN 2008, la mise en place de nouveaux indices économiques conjoncturels ainsi que l’extension de l’IHPC au niveau rural selon la nomenclature COICOP 2018.